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Metamonde

"Je compte sur peu de lecteurs, et n'aspire qu'à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n'être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde." Diderot

Intelligibilité du bio-politique

Publié le 2 Décembre 2007 par Meta in metamonde

Clip.jpgLe primat de l’existence sur l’essence est une affirmation qui conduit à renoncer au déterminisme biologique comme caractérisation figée de ce que serait un ordre politique. En fait, cette caractérisation ne saurait être pensée comme stable et inerte. Le passage par différents stades historiques d’évolution biologique et physiologique redéfinit à chaque fois ce qu’est un homme. Dire que l’homme est à chaque instant différent, c’est précisément reconnaître que notre espèce n’est pas prédéterminée à une certaine existence. En ce sens, il n’y a pas de morale universelle, mais seulement des principes reconductibles à dépasser. L’éthique humaine serait à reconsidérer en permanence, de manière à produire des maximes d’actions toujours adéquates au contexte. L’adaptation au milieu exige de redéfinir des caractéristiques à la fois sociales et biologiques, de sorte que s’accompagnent nécessairement des bouleversements dans le champ des principes moraux. Sans considération de ce qu'implique ce mouvement d'adaptation, on pose à tort que les maximes d’un homme vivant avant l’époque babylonienne devraient être les mêmes que celles de l’individu d’aujourd’hui. Comme expliqué dans le billet précédent, le constat de cette erreur est d’autant plus difficile à accepter qu’un Etat n’a aucun intérêt à reconnaître le caractère changeant des déterminations biologiques et éthiques de l’homme. En fait, dire que la nature de l’homme s’ancre dans le biologique ne signifie en aucune manière que ce qu’est l’homme est par avance prédéterminé. Dire pareille chose témoigne d’une incompréhension du naturel. La nature étant par essence changeante, toute détermination naturelle est appelée à évoluer. Ainsi, fonder une représentation de l’homme sur des principes naturels n’a aucun sens, sauf si ces principes ont à voir avec l’adaptation et l’évolution. Foucault a bien vu les dangers d’un Etat qui fonde une identité sur des principes biologiques, il faut simplement le rappeler pour s’y référer. Mais ce qui manque peut-être à une représentation de l’homme comme entité qui s’autoproduit elle-même, c’est l’idée que cette production par soi obéit au fond à quelque chose de naturel. Il n’y a pas la nature puis l’homme, il n’y a que la nature qui se meut. Au sein de celle-ci, l’évolution politique fait sens et cette signification (contrairement à l’affirmation Kantienne qui pose le primat d’une essence sur l’existence) ne peut être identifiée puisqu’elle se construit à chaque instant. Une intelligibilité de cette construction tient vraisemblablement dans ce qui découle de l’idée du primat sartrien de l’existence : il est naturel que l’homme affirme d’abord une existence dont découle une essence qui se construit à chaque instant, contrairement à une plante, dont l’existence découle d’une essence comprise dans le germe. Cela veut dire, puisque l’ordre politique humain s’inscrit dans une progression naturelle, que l’appropriation de l’essence et la capacité à se déterminer par soi-même est le sens de la progression naturelle qui ne vise certes pas un état figé de paix perpétuelle, mais bien plutôt l’effectuation mouvante et sans cesse renouvelée de l’affirmation de la liberté. Cette liberté, pour se réaliser au mieux, doit précisément s’abstraire des déterminations figées de la matière biologique afin que l’existence de l’esprit humain, peu à peu, puisse s’en affranchir en ayant pouvoir sur elle. Les conséquences politiques d’une telle compréhension sont suffisamment nombreuses pour n’appeler rien de moins qu’une reconsidération totale des notions de valeur éthique, de critère de jugement ou de justice.

Photographie : Christopher Shy.

 

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M
<br /> <br /> bonjour, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ta définition du determinisme dans ce texte. Je pense sincerement que la nature suit des lois déterministes et que ces lois ne sont pas en<br /> contradiction avec l'évolution, au contraire. J'imagine la réalité comme une infinité de regles qui interagissent perpetuellement entre elles, comme pleins de cycles qui interferent entre eux<br /> pour donner de nouveaux cycles. Donc hypothétiquement, on peut traduire la réalité et l'évolution par des formules mathématiques. Par contre, le probleme est que la science considere sa vision<br /> actuelle comme la bonne alors que l'on est infiniment loin de la vérité. Ce genre de logiques amene ce que j'appelle une société biologique comme tu la décris et je suis entierement d'accord avec<br /> toi sur le fait que nous devons rester mefiant à l'égard d'un tel systeme. cette vision mécanique de l'organisme biologique est meme surement erronée par le peu d'informations que nous avons sur<br /> les etres vivants et les cellules.<br /> <br /> <br /> ton blog est tres interessant, soit dit en passant.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> En fait, je suis d'accord avec toi, me semble-t-il, bien qu'il faudrait prendre le temps de clarifier le sens que nous mettons derrière chaque terme. Le déterminisme n'implique pas qu'il n'y ait<br /> pas de création et de nouveauté, en effet. Ce billet ne fait pas du tout l'éloge de l'idéalisme de Sartre ou de Kant, bien au contraire, même s'il fait référence à certains de leurs concepts. Il<br /> se veut matérialiste, et en ce sens, reconnaît les mécanismes physiques, biologiques et bio-sociologiques qui sous-tendent le développement de la vie. Donc, oui, je pense que des lois rendent<br /> comptent de l'évolution et je crois en même temps que l'évolution génère des lois dans le champ de la culture. Mais je ne crois pas au pouvoir d'autodétermination de l'homme et de la conscience<br /> tel que le pose Sartre, je travaille contre cet idéalisme qui postule que l'individu peut échapper à ces lois. Mais ce n'est pas pour autant qu'il y a une essence définitive de l'homme. Par<br /> conséquent, "l'existence précède l'essence" n'a selon moi pas le sens que lui donne Sartre : Sartre dit que l'homme s'approprie son existence pour inventer et construire son essence de façon<br /> libre. Pour ma part, je pense que l'expression signifie que les essences sont tout le temps en construction et en renouvellement tout en étant soumises à des règles auxquelles l'humain ne peut<br /> échapper dans la mesure où son libre-arbitre est une illusion de sa conscience (cf. D'Holbach et Spinoza).<br /> <br /> <br /> Merci de ton intérêt ! Ce blog est un peu en sommeil faute de temps, mais je vais le reprendre.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />