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Metamonde

"Je compte sur peu de lecteurs, et n'aspire qu'à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n'être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde." Diderot

Isolation charnelle

Publié le 22 Septembre 2007 par Meta in Littérature

bouches.JPGOn dépeint généralement Lovecraft comme l'écrivain de l'indicible, de l'horreur cosmique qui nous transit d'angoisse à la simple évocation des terreurs échappant à l'oeil du quotidien. Les Horreurs de Lovecraft sont souvent visqueuses, rampantes, difformes. Leurs caractéristiques principales reposent sur le mouvement, la difformité et l'imprévision. La terreur qu'elles nous inspirent serait alors suscitée par notre incompréhension, car nos exigences logiques réclament stabilité, précision et prévision. Nous dévisageons le spectacle de l'indicible en le déterminant selon des critères qualitatifs et quantitatifs. Dans le cas du qualitatif, notre entendement ne parvient pas à identifier de critères esthétiques à quelque chose dont le sens nous échappe totalement. Dans le cas du quantitatif, ces Choses demeurent par-delà le temps et l'espace, selon les mots de Lovecraft, et notre intelligence ne peut les saisir selon les formes de sa perception parce qu'elles se déploient en plus de dimensions que nous n'en pourrions comprendre. L'effroi qui nous envahit en les contemplant repose sur l'activité de l'imagination qui se représente leur mouvement impossible, l'agitation de leurs membres tentaculaires, l'aspect menaçant de leurs gueules béantes, et le viol de notre corps par leurs yeux innombrables et inquisiteurs. L'oeil de la Chose nous isole et nous rappelle à notre froide condition de solitude. La bouche nous menace en nous rappelant à notre statut de viande, offrant la proposition constante pour notre chair de se mêler à tout jamais à la sienne. Les membres tentaculaires sont autant de possibilités d'action pour la Chose qui se relaie ainsi d'autant plus à l'agencement cosmique. Le membre, long et sinueux, n'est pas l'affirmation d'une quelconque virilité ; assexuée, la Chose se déploie et asseoit une puissance en nous montrant qu'elle pourra toujours plus que nous car elle existe par-delà ce qui nous est possible d'espérer. L'Horreur, ou la Chose, s'exprime, et son expression nie absolument toute la puissance de notre humanité pour l'isoler et la ramener au rang de chair froide. La Chose, de ce fait, n'a d'indicible que ce que nous refusons de lui reconnaître, c'est-à-dire une supérieure connexion à l'ordre cosmique qui la pose comme notre prédateur. Lovecraft ne nous décrit donc pas une horreur fondée sur les vices de notre humanité, mais une angoisse reposant sur les limites de notre compréhension, de notre corps et de notre chair.
Tableau : Art de Eikoweb

 

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P
bonjour,merci pour votre post; pour la petite histoire je suis un fan de Lovecraft et je suis tombé des nues en apprenant sa xénophobie éxacerbée (que l'on peut goûter dans les nouvelles comme "reanimator").Il semble que ce fut d'époque et qu'il changea heureusement radicalement d'avis vers la fin de vie, lui qui a si peu voyagé.Personnage vraiment fascinant.J'ai entendu dire qu'un film sur sur la nouvelle "l'appel de cthulhu", fait à la manière des fillms années 20 est sur le grill: http://www.cthulhulives.org/cocmovie/
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M
 Concernant Lovecraft et mieux comprendre sa xénophobie, ainsi que le rapport que cette attitude entretient avec son oeuvre, il bon de lire le mémoire de Michel Houellebecq sur Lovecraft, paru en poche. C'est très intéressant et on comprend d'ailleurs mieux les enjeux visés par Houellebecq en réalisant la fascination de ce dernier pour Lovecraft.A noter également un documentaire portant sur la vie de Lovecraft sponsorisé (ou diffusé) par Arte. Ce reportage a remporté un grand prix. D'une durée d'une heure, il fait frissonner, peuplé d'images véritables de créatures étranges, en noir et blanc, avec une musique approprié, écrit à la deuxième personne du pluriel pour caractériser un Lovecraft créé à partir d'un mannequin monté sur un dispositif à roulettes et dont l'ombre circule dans une vieille demeure croulante. Aussi original que fascinant.Concernant le film de Chtulhu, il est exceptionnel. Peu de films de qualité ont été faits sur l'univers de Lovecraft. Dagon n'est pas mal fait. "Terreur à Arkham", mise en scène de l'affaire Charles Dexter Ward est également intéressant. Mais le meilleur est à mon sens ce Chtulhu fait par des amateurs. On peut acheter le DVD sur le web sans difficultés. C'est un moyen métrage fait à la façon "années 20" avec des acteurs qui jouent le jeu, une mise en scène dynamique et générant, malgré le côté volontairement désuet, un véritable atmosphère.