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Metamonde

"Je compte sur peu de lecteurs, et n'aspire qu'à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n'être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde." Diderot

Angoisse atmosphérique

Publié le 7 Décembre 2009 par Meta in Cinéma

 

Il faut bien un premier pas dans tout courant, et chaque premier pas n'est jamais qu'une issue produite par un contexte dont la situation est propice à l'apparition de cette nouvelle forme. Dans le cinéma comme dans les autres formes d'art, un film faisant office de pionnier doit toujours quelque chose au genre dont il est issu et porte nécessairement une originalité et une force qui conditionnera la reproduction de ses codes. Certes, le besoin de reproduire ces codes provient nécessairement d'une volonté d'ouvrir un nouveau marché, de garantir une distribution efficace en utilisant l'engouement qu'a produit la nouvelle proposition. On se rappellera combien l'esthétique des jaquettes des films à caractère médiéval s'est modifée et calquée sur celle du Seigneur des anneaux de Peter Jackson. Dans ce cas précis, le film n'a rien de révolutionnaire, il se veut efficace, conforme à ce qu'il annonce, et les oeuvres qui suivront ne font finalement que reproduire une esthétique dans le but de plaire et de s'appuyer sur le public du film de Jackson. Mais lorsqu'une oeuvre offre quelque chose d'original, l'exigence de reproduction se fonde sur ce que les réalisateurs comprennent de cette oeuvre, en tant qu'elle porte en elle-même de la nouveauté. En regardant la production actuelle des films d'angoisse et, plus précisément, de ceux de cette catégorie qui ont été produits en Asie, on sera frappé par la manière dont ces faiseurs d'horreur ont trouvé un nouveau type d'agencement formel susceptible de la générer. Le point commun à Deux soeurs, The grudge, et autres productions de qualité variable trouve sa source dans l'apparition de Ring d'Hideo Nakata, qu'on ne confondra pas à son remake américain, Le cercle, qui manque totalement le génie de l'original. Qu'y a-t-il de singulier dans Ring qui soit de nature à être reproduit jusqu'à épuisement et avec plus ou moins de réussite par une majorité de réalisateurs de l'angoisse ? Ring s'inscrit dans la nouvelle production cinématographique asiatique dans laquelle l'extrême-orient invente une nouvelle esthétique du cinéma. De la photographie de Kitano à celle de Wong Kar Wai, de l'agencement de l'action de Tsui Hark à celle de John Woo, de la réinvention du témoignage social chez Hou Hsia Hsien à la gestion de la violence chez Kim Ki Duk, l'effervescence du cinéma asiatique repose non pas sur un postulat déclaré (comme dans le Dogme européen de Lars Von Trier ou encore la volonté de briser la tradition dans le cas de la Nouvelle Vague), mais sur une sensibilité commune, une réappropriation globable de la forme esthétique traditionnelle pour y intégrer les nouveaux agencements formels contemporains. Ring reprend ainsi des effets somme toute connus : un musique de tension, un jeu sur la lumière, un scénario reposant sur la notion de course contre la montre, la mise en danger d'une valeur positive (l'amour pour le fils), la présentation d'un fantôme qui ne sera vu que très tard, la mise en scène d'une horreur latente et présente qui reste indicible aussi lontemps que possible. De manière globale, le film reprend donc des éléments déjà vus dans L'exorciste, Videodrome, Alien, et une bonne partie des films des années soixante-dix, notamment ceux de Dario Argento dont la froideur et le minimalisme renforçaient une horreur radicalisée dans sa simplicité. Qu'a donc inventé Ring ? D'abord une intégration des codes de l'horreur à la nouvelle esthétique produite par le cinéma asiatique. En ce sens, on obtient un film aussi beau qu'angoissant, renforçant cette dynamique propre au film qui fait que l'angoisse n'est pas tant éprouvée durant l'oeuvre qu'après l'avoir vue, empêchant toute personne ayant réellement participé à l'immersion attendue par le film de pouvoir demeurer seul dans la même pièce qu'un écran de télévision. Néanmoins, le tour de force de Ring est de refuser cette propension à la monstration du « gore », ignorant le sang tout autant que le voyeurisme de la torture sur lequel Saw et Hostel se sont abondamment appuyés. Mais là où certains films d'épouvante avaient parfaitement compris que l'absence de l'horreur était potentiellement plus angoissante que l'horreur elle-même (le premier Alien de Ridley Scot en est symptômatique), Ring n'est pas pour autant un film reposant sur l'absence d'une horreur pourtant présente, puisque justement le monstre sera vu, et que ce n'est aucunement la vue de celui-ci qui nous marquera longtemps après. Ring réinvente le rapport du sujet à son angoisse : point d'horreur à voir, point d'horreur à craindre, ce que le spectateur craint, c'est bien le regard du personnage porté sur le contexte horrifique qu'il visite. En ce sens, Hideo Nakata met en scène le cri de l'esprit horrifié plutôt que l'horreur qu'il contemple. L'atmosphère, renforcée par la musique, la couleur, la lumière, le rythme, la position de la caméra, n'est pas une lecture objective du contexte mais bien une actualisation de la subjectivité de celui qui subit le conte horrifique à l'intérieur de celui-ci. Le contexte des héros est pétri par l'ambiance psychologique qui se génère autour d'eux et à partir d'eux. Ce n'est en aucun cas une réalité objective, puisque le conte se veut déployé dans un contexte réaliste, c'est simplement un mode de narration : raconter avec la tonalité, le regard, l'atmosphère subjective induite dans et par les personnages. De ce fait, nous éprouvons la même angoisse que les personnages parce que le mode de narration épouse leur affectivité. Après la vue du film, la peur de notre téléviseur ou de notre écran d'ordinateur n'est pas la peur que quelque chose en sorte, mais le rappel de cette tonalité qui nous réinvestit au moment où la vue de l'objet technique fonctionne comme point d'impulsion pour replonger dans cette atmosphère dont nous avons encore le souvenir. Le génie de Ring est donc d'utiliser un mode de transmission qui n'est ni l'absence de l'horreur pourtant là, ni la monstration du terrible, mais simplement la projection de l'atmosphère éprouvée, la tonalité purement subjective qui se dégage lorsque le regard embrasse la problématique froide du film, celle d'une malédiction absurde qui pénètrerait l'objet le plus matérialiste qu'est l'objet technique télévisuel. Ring rappelle évidemment que l'horreur a des droits, et que son droit le plus strict est de pouvoir investir de manière surnaturelle l'objet le moins naturel, le plus culturel et technique, mais l'horreur ne peut résider dans ce simple fait, car sinon le film n'aurait été qu'une tentative supplémentaire pour sortir du quotidien. Ici, le film produit de la sensation au lieu de montrer une horreur, il joue de l'affection de la manière la plus pure possible, sans s'encombrer des codes qu'il utilise néanmoins. En ce sens le plus strict, c'est un film d'angoisse et non un film d'horreur, une oeuvre purement atmosphérique dont le scénario n'est au final qu'un prétexte à cette esthétique de la subjectivité, de l'affection et de la sensation.

 

 

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D
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