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Metamonde

"Je compte sur peu de lecteurs, et n'aspire qu'à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n'être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde." Diderot

La voie des Sopranos

Publié le 10 Janvier 2008 par Meta in Cinéma

medium-sopranos-logo.jpgIl est facile de reprocher à une majeure partie des productions télévisées la forme figée des scénarii. Qu’il s’agisse des films ou des séries, l’ensemble est soumis à des lois, à la grande forme héritée des codes aristotéliciens, le rythme ternaire du récit consistant dans la position d’un problème, ses complications, puis sa résolution. Les séries se doivent d’accrocher le spectateur et sont par là-même soumises à des lois que le spectateur exige d’autant plus qu’on les lui a imposées depuis tout petit. Mais certains producteurs indépendants acceptent de contourner ces normes, et si elle ne fait pas l’économie de certaines rigidités liées au genre, la série Les Sopranos innove comme aucune série ne l’a fait jusqu’à aujourd’hui. Si la série n’accroche pas, à proprement parler, c’est parce qu’elle n’obéit pas aux codes. Le rythme peut être lent, l’intrigue se déploie dans plusieurs directions, le contemplatif s’installe parfois au détriment de l’action, et celle-ci est parfois neutralisée par l’exigence esthétique ou l'omniprésence de la discussion. C’est que Les Sopranos initie un mouvement original en présentant des personnages qui n’obéissent pas nécessairement à leur archétype de départ. Si le cinéma d’auteur a su présenter, peu à peu, des films où les personnages ne sont pas des stéréotypes, des concepts, et peu à peu sont ce qu’ils font (et ne font plus ce qu’ils sont), rares sont les séries qui le proposent. Le personnage principal, Tony, est ici représentatif d’un effort visant à faire évoluer le personnage. En allant chez un « psy », Tony Soprano se pose comme potentiellement en évolution, et le problème central du personnage consiste justement à échapper au déterminisme de sa condition d’italien mafieux qui, peu à peu, s’humanise. S’humaniser, ici, ce n’est pas devenir gentil, c’est simplement se donner plus de choix, ne pas nécessairement condamner un de ses hommes révélé homosexuel, savoir pardonner, changer les règles de son milieu en prenant des libertés avec celles-ci. Ce processus de développement des personnages est omniprésent, appuyé par des scènes oniriques au symbolisme subtil, si bien qu’à partir de la quatrième saison, le scénario ne tient plus que par la vie des personnages et la finesse de leurs représentations. Leurs problèmes quotidiens, leur volonté de changer ou de rester les mêmes, les interactions et les dialogues qui en découlent, tout cela forge la trame d’un immense scénario, celui de leur vie. Les problématiques antérieures, la guerre, les soucis de la succession, les luttes d’influence, tout ceci passe au second plan, révélant toute la dynamique d’un univers ressemblant à un soap, mais qui n’a pourtant rien d’aussi simpliste. Le scénario de Les Sopranos ne repose bientôt plus sur des intrigues mafieuses, mais sur les subtilités de la vie d’une poignée d’hommes dont les méfaits ne nous sont plus rien et dont seule compte la valeur de leur vie, et la manière dont ils la considèrent. Espérons que la chaîne HBO produise à l’avenir d’autres monuments de ce genre…

 

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