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Metamonde

"Je compte sur peu de lecteurs, et n'aspire qu'à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n'être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde." Diderot

Blueberry nights

Publié le 10 Décembre 2007 par Meta in Cinéma

18819193-w434-h-q80.jpgLe leitmotiv de Wong Kar Wai est maintenant connu. Son cinéma décline une représen- tation des relations et développe pour chaque personnage un rapport à l’autre. Mais l’autre n’est pas au centre du problème, chez Wong Kar Wai, comme il l’est dans les films de Kiyoshi Kurosawa (voir Kaïro). Il s’agit de l’autre en tant qu’amant potentiel ou comme individu sexué. Nos années sauvages, As tears go by, Les anges déchus, Happy Together, Chungking express, tous ces poèmes exaltent la dynamique du désir amoureux. In the mood for love et 2046 porteront ensuite au paroxysme l’art visuel du cinéaste. Car si la narration de ces deux derniers films rappelle celle des autres, quelque chose s’est passé et a mûri dans l’esprit du cinéaste qui fait naître par la sensation la complexité des sentiments. Pas de psychologisme ici, pas d’explication, seulement des métaphores, des allusions, des couleurs, des formes, des mouvements, destinés pour qui sait les comprendre à laisser jaillir le sens. Comme bien de ses contemporains, Wong Kar Wai fait vivre des personnages qui ne font pas à partir de ce qu’ils sont, mais qui sont à partir de ce qu’ils font. Autrement dit, on n’a pas ici de personnages conceptuels qui agissent à partir de l’archétype qu’ils incarnent comme dans le cinéma classique ou les blockbusters actuels, ce ne sont pas des personnages chez qui l’essence constitue leur existence. Il y a là des personnages qui se construisent, qui ne seront jamais archétypaux, qui n’obéiront jamais à l’exigence d’une idée figée, et incarneront donc le credo existentialiste. La narration, chez Wong Kar Wai, n’obéit donc pas à une téléologie, et va plutôt au hasard des rencontres et des mouvements. Il serait vain de tenter de totaliser le travail du cinéaste qui fuit devant toute volonté d’interprétation. Alors que Lynch appelle sans cesse les symboles et ouvre la compréhension par des signes, Wong Kar Wai offre un cinéma où seule compte la sensation et l’érotisme qu’elle dégage. Il n’y a pas de construction imposée, pas de forme définie, puisque ses films lui échappent même au fur et à mesure qu’ils viennent à exister : jamais le cinéaste n’est satisfait du résultat, retouchant, remontant, épurant ou rajoutant. Ses films sont toujours en redéfinition, et semblent aussi peu figés que sa pensée. Sa dernière création, My blueberry nights, fait figure de film mineur au regard des deux précédents. On ne peut que le constater du fait de sa légèreté, sa difficulté à filmer les grands espaces révélant d’autant plus son affinité avec les atmosphères urbaines, le caractère plus anecdotique de certains personnages. Il est parti, dit-il, d’un court métrage, d’un dîner qu’il a ensuite déployé pour faire exister le personnage de Norah Jones. Or c’est bien la première partie du film qui regorge de subtilités, de nuances, de sensations, plus que la suite, qui n’est plus qu’un road-movie de qualité. L’insertion culturelle était réussie dans Happy Together, mais manquée dans celui-ci : Wong Kar Wai ne capte pas l’atmosphère de l’Amérique comme il a su le faire en Argentine. Voyons ce que le cinéaste fera de The lady of shanghaï, parce que même si chacun de ses films reprend un leitmotiv, aucun n’est déterminé par une idée fixée, il ne sont qu’autant de réponses à des interrogations amoureuses. Soyons curieux de la prochaine.


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